Un cygne inerte sur une brouette. Les ailes déployées, ballantes. Première image de la mort. C’est blanc ! Ce n’est pas noir ou rouge, c’est blanc. C’est immobile mais c’est fulgurant, c’est l’absence et c’est si présent. Alors, le blanc se macule. De la mort à la vie, du linceul à la toile, du vide au signe.
Un oiseau fou sur une tour. Les ailes brillantes, brisées. Vitesse de la mort.
C’est blanc ! Cela ne crépite pas, c’est déjà de la cendre. C’est silencieux mais c’est assourdissant, c’est l’absence et c’est si présent.
Alors le blanc se macule.
Du ciel à la terre, de la terreur à la révolte, du vol au geste.
Le point naît, à l’instant où tout bascule. L’œuvre s’établit dans cet espace infini de l’indicible pourtant à hurler, à chanter.
La peinture est monumentale, le geste est fort. Dans la plupart des tableaux, une tension existe entre battements fébriles et rectitude des traits, entre lourdeur de la chute et intensité du sursaut.
Continuant à travailler la thématique « Présence-Absence », Anne Dejaifve approfondit ici, non l’opposition des deux états mais le souffle, naissant de leur rencontre. Curieusement, dans les œuvres de l’artiste, le vol s’immobilise et la terre se met en mouvement, symbolisée par des brouettes usées. Est-ce le ciel qui rejoint la terre où la terre qui prend sa part de ciel ? Peu importe !
Le signe porte en lui et la mort et la vie. C’est parce que « cela fut » que ceci est. Le chant du cygne ouvre le champ des signes. L’œuvre naît de la mort. C’est ce choc, ce « heur(t) » qui contient à la fois toutes les brisures et tous les espoirs que ces envols pétrifiés traduisent. Et l’argile est là, comme au dernier jour, comme au Premier Jour.